«Je pense que c’est honnête envers nous-mêmes, envers vous, de reconnaître que le conseil de Trois-Rivières vit certaines difficultés. Le maire est en arrêt de travail. Je constate que les mêmes difficultés se rejouent depuis des années, conseil après conseil, à la Ville de Trois-Rivières. […] Mon souhait est d’envoyer un message clair à la population: nous reconnaissons les lacunes de notre gouvernance et nous voulons l’améliorer», a mentionné en préambule Mme Albernhe-Lahaie, qui voit sa proposition comme «une solution constructive et pérenne» qui «vise à améliorer significativement la gouvernance de notre ville».
Rappelons que la Ville de Trois-Rivières a déjà mandaté l’IGOPP pour examiner la gouvernance de cinq corporations paramunicipales. Mme Albernhe-Lahaie souhaite donc qu’après ce mandat, l’organisme étende son analyse à l’ensemble de la Ville «afin d’accompagner les élu.es municipaux trifluvien.nes dans une réflexion portant sur sa propre gouvernance (...)», peut-on lire dans la résolution. «C'est une démarche qui a été faite dans la bienveillance», a-t-elle précisé.
Une initiative qui a été saluée par certains conseillers. «Je suis très satisfait de cette résolution. On sait très bien que le climat n’est pas facile. On a même un maire qui a quitté à cause du climat. Je pense qu’avoir une réflexion sur notre gouvernance, avoir des experts qui vont nous aider, ça va nous permettre justement d’améliorer le climat à l’hôtel de ville», a souligné Luc Tremblay, conseiller du district de Châteaudun. «On entend ce que les gens disent [...]. Ils nous disent de régler nos affaires et je pense que c’est une bonne façon de le faire», a mentionné Pierre-Luc Fortin, du district des Estacades.
«Je pense qu’au point où on en est, ça me semble crédible. Il faut essayer quelque chose. Pour moi, il n’y a pas d’autre option sur la table», a ajouté Dany Carpentier, du district de La-Vérendrye.
Toutefois, certains avaient un malaise d’adopter une telle résolution en l’absence du maire. «Le maire n’étant pas là, moi je vais voter contre. […] J’aurais vraiment aimé qu’on trouve un moment pour en parler tout le monde ensemble et peut-être faire quelques modifications, parce que je pense que ça vient d’une bonne intention», a expliqué René Martin, du district des Carrefours.
Un argument qui a déplu à François Bélisle, conseiller de Pointe-du-Lac. «Monsieur le maire est en arrêt maladie. On ne pourra pas nous servir ça à chaque fois qu’on va vouloir amener des points. Dans ce cas-là, on va arrêter de voter et il n’y aura plus de séance jusqu’à temps que monsieur le maire revienne de son congé de maladie. […] Il faut que la Ville continue d’avancer», a-t-il lancé. «L’autre point c’est: de quoi avez-vous peur?», a-t-il demandé. «On ne cherche pas des coupables. Il n’y a pas d’attaque au pouvoir du directeur général, il n’y a pas d’attaque au pouvoir du maire. […] C’est juste de nous amener des façons de faire, des constats. Ce n’est pas de chercher des problématiques, c’est plutôt mettre en lumière des solutions.»
«Il y a une différence entre la peur et le respect», a nuancé Jonathan Bradley, du district de Richelieu. «On parle d’améliorer la gouvernance, mais le gouvernant principal n’est même pas là.»
Comme M. Martin, Pierre Montreuil aurait voulu que les élus se rencontrent pour discuter de cette résolution avant la séance du conseil. Il a mentionné que le maire suppléant avait fait parvenir aux élus un courriel contenant 12 points qui expliquaient pourquoi il ne fallait pas faire le dépôt de cette résolution. «À la lumière de la chronologie des événements, pourquoi ne pas avoir retardé?», a-t-il demandé à Mme Albernhe-Lahaie. «Je déplore déceler un aveuglement volontaire de ta part et même une incapacité à faire marche arrière et je trouve ça triste», a ajouté le conseiller du district du Carmel, déclenchant des protestations parmi l’assistance. La conseillère a assuré qu’elle a tenté de réunir ses collègues, mais sans succès.
Alain Lafontaine, du district des Forges, a profité du débat pour manifester son ras-le-bol de ce qu’il considère comme de la micro-gestion. «On a été nommé par la population et on a un mandat. Notre mandat, ce n’est pas de le donner à quelqu’un d’autre. C’est à nous autres à faire la job et à prendre les décisions qu’on a à prendre. [...] La micro-gestion, on n’est plus capable de ça. C’est toujours de déposer des affaires... [...] On l’a dans la face le vendredi pour le mardi suivant. [...] On bloque le système. Il y en a du monde qui sont écoeurés et qui s’en vont chez eux. Il doit y avoir une raison.»

De son côté, le maire suppléant, Daniel Cournoyer, n’a pas mâché ses mots lorsqu’il a été appelé à commenter l’initiative de sa collègue alors qu’il était en rencontre avec des journalistes avant la séance du conseil municipal. Il a qualifié sa façon de procéder «d’inappropriée». «Vendredi après-midi, c’est rentré cette résolution-là. J’ai été choqué que ça se fasse de cette façon, une fois que le personnel est sur le bord de quitter. […] J’ai trouvé ça disgracieux également de faire un projet de résolution de la sorte en l’absence du maire. […] Ce n’est pas la façon de faire. On a outrepassé la direction des affaires juridiques chez nous», a-t-il déploré. Selon lui, cette proposition pourrait contrevenir à certains articles de la Loi sur les cités et villes.
D’ailleurs, le directeur général, François Vaillancourt, a exhorté les élus à la prudence concernant ce projet tout en leur mentionnant qu’en «ciblant déjà une entreprise [l'IGOPP, NDLR], vous venez à l'encontre du règlement de gestion contractuelle».
Mme Albernhe-Lahaie a alors fait savoir qu’elle était d’accord pour retirer de la résolution la mention de l’IGOPP. M. Tremblay s’est adressé au directeur général. «Je sais que vous avez eu une rencontre avec Mme Lahaie. Elle vous a demandé, à vous et à ceux avec qui vous étiez, de l'aider à modifier la résolution. Vous n'avez pas voulu alors vous avez le résultat de tout ça.»
«Monsieur Tremblay, je vais rectifier les faits. Premièrement, ce que vous faites, c’est indigne», a répliqué M. Vaillancourt. Un commentaire qui a soulevé l’ire de François Bélisle qui ne l’a pas laissé poursuivre. «Monsieur le directeur général, ça fait deux fois que je suis témoin d'intimidation envers un conseiller, ça c'est quelque chose de spécial. Un haut fonctionnaire doit faire preuve d'apolitisme.»
Luc Tremblay a précisé avoir demandé un avis juridique à une firme externe et que cette dernière a confirmé que cette résolution est «parfaitement légale».
Finalement, le vote a eu lieu. Pascale Albernhe-Lahaie, Geneviève Auclair, François Bélisle, Richard W. Dober, Pierre-Luc Fortin, Luc Tremblay et Dany Carpentier ont voté pour alors que Jonathan Bradley, Daniel Cournoyer, Alain Lafontaine, René Martin, Pierre Montreuil, Sabrina Roy et Maryse Bellemare ont voté contre.