Le Soleil a donné rendez-vous aux deux nouveaux élus fédéraux de la grande région de Québec, mardi.
Steeve Lavoie et Gabriel Hardy n’avaient pas beaucoup dormi, après la longue soirée électorale de lundi.
Étirée jusqu’aux petites heures pour le nouveau député libéral de Beauport-Limoilou, M. Lavoie, sacré vainqueur vers minuit et demi.
Encore plus prolongée pour le nouveau député conservateur dans Montmorency-Charlevoix, M. Hardy, qui ne criait pas encore victoire 12 heures plus tard. Son élection a été confirmée seulement mardi après-midi.
Leur rencontre s’est tenue dans un stationnement d’épicerie de Boischatel, à la limite entre leurs deux circonscriptions de l’est de la région de Québec.
Gabriel Hardy, 41 ans, est un entraîneur physique professionnel propriétaire du Tonic Gym et CrossFit, à Québec, et directeur général du Conseil canadien de l’industrie du conditionnement physique jusqu’à son élection.
Steeve Lavoie, 50 ans, est un ancien vice-président associé de la Banque Nationale devenu PDG de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec de 2020 à 2024.
Les nouveaux politiciens se sont croisés pour l’entrevue, se sont félicités, ont jasé un peu et ont échangé leurs numéros.
Ils ont tous deux triomphé aux dépens de députées bloquistes en poste depuis 2019.
Question Êtes-vous surpris d’être élu?
Réponse Lavoie (Beauport-Limoilou, libéral): Oui et non. Je suis le premier candidat libéral à être élu dans Beauport-Limoilou. On ne peut pas être autrement que surpris.
Mais c’est ce que je sentais sur le terrain. Puis comme je n’avais jamais fait d’autres campagnes, c’était dur pour moi de comparer.
Hardy (Montmorency-Charlevoix, conservateur): J‘ai fait campagne dans le but de gagner, mon plan était d’être un député. Avec les grandes aspirations que j’ai pour la région de Montmorency-Charlevoix.
Je suis quelqu’un qui se fixe des objectifs très élevés dans la vie. Je suis très sincère quand je dis que je veux avoir l’impact de Brian Mulroney.
Q. Comment voyez-vous votre rôle de député?
R. Hardy: Être à l’écoute des gens. On est des élus. On n’est pas d’en haut en bas. On est la population avec une représentation à Ottawa pour s’assurer qu’on représente les intérêts de notre région et qu’on amène un maximum de retours pour notre région.
Montmorency-Charlevoix est une région vaste, de Lac-Beauport jusqu’à Baie-Sainte-Catherine. C’est des réalités différentes.
Lavoie: Je suis le député de tout le monde dans la circonscription. Que ce soit ceux qui ont voté libéral ou autre, ces gens-là doivent sentir que je vais être à leur écoute et que je vais défendre leurs intérêts.
J’ai toujours travaillé dans le privé à faire avancer des dossiers. Je veux que les gens de Beauport-Limoilou sentent que d’avoir leur député au gouvernement fait une différence.
Q. Votre opinion des politiciens a-t-elle changé depuis deux mois?
R. Lavoie: Non, pas du tout. C’est des gens que je fréquentais quand j’étais à la chambre de commerce et avec qui j’ai toujours eu une excellente collaboration. Donc au contraire, je savais à quoi m’attendre. C’est une nouvelle famille qui se crée.
Hardy: Oui et non. Quand tu vas en politique, tu te dévoues aux gens. Tu mets ta vie au service des autres.
Tu représentes les intérêts, un besoin et une vision, mais surtout une valeur. Pour moi, le sport, l’activité physique, l’importance de la prévention, c’est hyper important. Croyez-moi, au gouvernement fédéral, ils vont en entendre parler.
Q. Racontez-nous une anecdote de campagne.
R. Hardy: Ma plus belle rencontre a été avec l’Union des producteurs agricoles. Ça m’a ouvert les yeux sur des gens qui travaillent 20 heures par jour, 366 jours par année!
L’autre belle rencontre a été avec Arnaud. Un jeune tiktokeur de 17 ans qui a commencé à s’intéresser à la politique, qui ne connaît rien là-dedans, qui apprend et qui te dit: «Gab, je peux-tu venir faire du porte-à-porte avec toi?» Il pleuvait, il y a eu toutes les conditions négatives, mais on a eu tellement de plaisir.
Lavoie: On fait des téléphones pour du pointage, voir pour qui vous allez voter. Je le faisais sans masquer mon numéro. Une dame m’a rappelé pour me dire qu’elle avait besoin d’un transport pour aller voter.
Je suis allé la chercher pour l’amener au bureau de vote par anticipation. Elle a été obligée d’attendre au-dessus d’une heure, il y avait du retard. Elle était gênée en sortant de m’avoir fait perdre une heure. J’ai dit: «Ce n’est pas grave, je suis là pour vous. Ça a été un moment assez agréable.»
Q. Quel sera votre premier geste comme député, votre priorité?
R. Lavoie: Parler rapidement avec l’ancienne députée Julie Vignola, qui avait des dossiers importants en cours. Des gens qui se sont confiés à elle et à son équipe. Je ne veux pas qu’ils restent orphelins ou que les dossiers soient détruits.
Hardy: L’économie de la région. On a énormément d’entreprises qui ont besoin d’aide. On a besoin d’aider l’économie, de remettre le courant dans la région et de l’aider à connaître un essor.
Q. Comment voyez-vous la dynamique politique dans la grande région de Québec avec trois libéraux et huit conservateurs?
R. Hardy: Les intérêts de la région de Québec vont être bien représentés à Ottawa. Je vais avoir des gens d’expérience qui vont m’aider à bien apprendre. On ne se ramasse pas dans un contexte où il y a plein de nouveaux conservateurs qui entrent en place.
Lavoie: Je la vois excellente. Quand j’étais à la chambre de commerce, je collaborais avec tout le monde. On travaille tous pour le citoyen. Il faut juste garder en tête pour qui on fait ça.
Q. Comment expliquer que parmi les 11 députés fédéraux de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches, on ne retrouve qu’une seule femme?
R. Lavoie: Ce n’est pas quelque chose que j’avais regardé depuis lundi. Il faudrait plus regarder l’élection à grande échelle. Qu’est-ce que ça dit à plus grande échelle, plutôt que de regarder juste ici?
Hardy: La politique fédérale ou peut-être la politique en général attire moins les femmes à se joindre à l’aventure. Est-ce la vie que ça demande? Les sacrifices? Peut-être.
[La députée conservatrice de Bellechasse-Les Etchemins-Lévis] Dominique Vien fait vraiment un bon travail et est comme un poisson dans l’eau. Elle comprend tous les enjeux. On a vraiment des politiciennes exceptionnelles, mais c’est peut-être un métier qui attire plus les hommes.
Q. Connaissez-vous votre voisin de circonscription, lui aussi nouvellement élu?
R. Hardy: Je l’avais déjà croisé avec la chambre de commerce, étant entrepreneur moi-même. On s’était parlé un petit peu. C’est un gars qui connaît très bien le milieu entrepreneurial à Québec. On va avoir des points communs. Mais pour le reste, on ne se connaît pas.
Lavoie: Je ne le connais pas. Ce que j’ai connu, c’est durant la campagne. Ce n’est pas pour être plate, mais je me concentre vraiment sur ce que je peux faire. Et M. Hardy, je ne le connaissais pas.
Q. Les résultats de l’élection sont-ils une bonne ou une mauvaise nouvelle pour le projet de tramway à Québec?
R. Lavoie: Le Parti libéral a trois circonscriptions limitrophes où le tramway passe. Ça lance un message assez clair qu’on va de l’avant avec ce projet-là, une fois pour toutes. À un moment donné, qu’on arrête de le remettre en question tout le temps.
J’aimerais qu’on commence à réfléchir à la phase deux avec les citoyens de Beauport-Limoilou. Est-on capable d’amener la réflexion plus loin, pour influencer? Le fédéral ne porte pas ce projet, mais est-ce qu’on peut demander à nos citoyens ce qu’ils veulent pour la suite?
Hardy: Les libéraux sont en place, ils vont l’appuyer. Mais ce n’est pas un projet qui va aider l’ensemble de la population de la région de Québec. C’est sûr qu’on va le remettre en question. Les milliards qui vont être mis là-dedans, est-ce que tu es vraiment en train d’aider la grande région de Québec?
Chaque porte-à-porte que j’ai fait, chaque rencontre avec les entreprises ou avec des maires et mairesses, personne ne m’a parlé de tramway depuis le début de la campagne. On me parle du troisième lien. Le tramway n’amènera personne à Baie-Saint-Paul, je ne vous l’apprends pas.
Q. Les résultats de l’élection sont-ils une bonne ou une mauvaise nouvelle pour le projet de troisième lien à Québec?
R. Hardy: Ça va être un combat, j’imagine. Est-ce que ça va être d’aller chercher des alliances? Il y a plein de points super positifs à mettre en place avec le troisième lien, mais ça va être un dossier à défendre.
Lavoie: C‘est un projet dont on parle beaucoup trop, mais qui n’existe pas. On n’a pas d’études, on n’a rien. On en parle pour l’opposer au tramway. Les projets doivent s’additionner et tous les projets structurants dans la région devraient s’additionner et non s’opposer.
Beaucoup ont parlé d’un projet régional, mais les gens de Beauport-Limoilou sont tannés du trafic. Quand on parle d’un projet potentiel qui amènerait 10 000 à 15 000 personnes de Lévis dans la circonscription, ils me demandent si ça va diminuer leur trafic.